Critiques

Mehdi Melhaoui french/english

Mehdi Melhaoui est né à Casablanca au Maroc. De nationalité Franco-maroco-allemande, il vit et travaille à Montpellier. Il a fait ses études à l’école des Beaux Arts de Montpellier ainsi qu’à l’université Paul Valéry, cursus arts plastiques. Il a quitté le Maroc depuis 2003, pour s’installer de l’autre côté des côtes Méditerranéennes, en bord de mer. Sa démarche se situe au croisement de différentes pratiques, celle de la collecte, de la collection d‘objets trouvés, de la sculpture, de l’installation, ainsi que de la photographie. Plus tôt, il aborda également la peinture, mais advint une certaine nécessitée d’intégrer l’espace lui même. L’espace, ses frontières, ses mouvements, et ses conséquences sur la psyché humaine sont en effet présents tout au long de son cheminement. Tel qu’il l’exprime, Mehdi « propose des objets, installations, entre affect et percept, tout en tenant une position de résistance en rapport aux problématiques liées aux flux migratoires qui ont fait l’histoire de la Méditérranée»1. Intéressé par les origines, tant historiques, qu’archaïques, Mehdi Melhaoui a su développer une pratique qui place la Méditerranée et son histoire au coeur de ses préoccupations. émigré, il est de ceux qui ont un certain sentiment de l’exil, dans toute son ambiguïté, mais il ne s’agit pas ici d’un exil destructeur, mais bien de partir d’une souffrance pour l’interroger, et devenir autre à partir d’elle, l’ouvrir à l’histoire collective, interroger l’histoire de ceux et celles qui sont passés et continuent de passer par là, et de soulever par ce biais des problèmes sociétaux. C’est par l’expérimentation artistique que Mehdi Melhaoui aborde ces questionnements, passer par le sensible et la matière lui permet de toucher le coeur des sensations de l’exil, et de l’exprimer par le sensible même.
La marche est un outil d’approche, ainsi que de décentrement qu’il explore, afin de comprendre au plus près l’espace qui l’environne. « Je marche, marche, marche… autour des terres, je pose mes marques. Je quitte un monde pour en chercher un autre. Marche aveugle, en quête de trouver. Marcher pour trouver, c’est chercher ses racines, c’est abandonner le navire. »2
Se pose également pour lui la question des restes. Que faire des restes?

Mehdi Melhaoui is a Franco-German-Moroccan artist. He began his career at an early age, participating in group exhibitions in Morocco, Algeria, Germany, and France from 2003. As a multidisciplinary artist, Melhaoui produces sculptures in bronze, steel, stainless steel, composite materials, and stone. Customarily working with carving techniques, his talents also extend to carpentry and cabinetmaking. 2007 marked the beginning of a series of public commissions and awards in due recognition of his work, including the MAIF Prize for Sculpture in 2010 for his installation entitled Objet Trouvé (found object).

Melhaoui’s point of convergence revolves around migration in the Mediterranean, an ongoing enquiry that was the thematic of his first solo exhibition at GVCC in 2014, entitled Time running out. As an emigrant, he counts himself as one of those who have entered exile, in all of its uncertainty. Having encountered the process of exile experientially and from afar, Melhaoui holds a sensitivity toward the concept, which makes for an insightful and critical investigation

Mehdi Melhaoui - texte Christian Gaussen

Considérer les créations d’un très jeune artiste n’est pas une opération qui autorise à la condescendance, faire état de son immaturité pour justifier des critiques que l’on peut lui adresser n’est qu’une manoeuvre d’évitement. Il en est de même pour la situation inverse, celle de tresser des couronnes ou de faire des louanges pour atténuer l’embarras de la question que nous pose toute création naissante.
Ne nous reste-il qu’à nous conformer docilement aux appréciations de ceux qui font et défont le goût ?
Mehdi Melhaoui est dans la situation inconfortable de l’artiste (pourtant son histoire lui dira combien cette période de renaissance était heureuse) qui le pose en « mal-assis » face à la critique des experts et des curieux, amateurs professionnels tous sont avides d’exercer leur jugement.
Lui pendant ce temps n’attend qu’une seule chose, un regard habité d’intelligence, attisé par la soif d’une lecture vraie ouverte à la spéculation, au doute, un regard armé du renoncement à ce que l’on croit savoir, à ce que l’on attend.
Si le travail d’un artiste reste toujours à découvrir c’est parce qu’il doit être abordé du coté de la temporalité même de ce qui est à l’oeuvre ; se souvenir du  » je n’ai jamais peint un tableau récent  » de Man Ray.
Ce n’est pas en surface, dans l’aplatissement de ce qui fait image que se constitue une oeuvre, mais bien dans son entour pour reprendre la formule de Barnett Newman, dans ce qui l’a converti de façon décisive en artiste ; le premier dessin peut être vers l’âge de cinq ans, la diversité des rencontres faites aux beaux arts.
Mehdi on l’entend, a eu la chance d’être traversé par deux cultures et déchiré dans le même instant par des racines si puissantes qu’il a du se retirer en lui même pour examiner ce qu’il pouvait être de façon autonome, authentique, comprendre la part de vérité qui réside en lui et découvrir quel chemin emprunter pour ressembler à ses rêves.
Se tenir à l’abri a des vertus que l’on retrouve dans les sculptures qu’il présente ici pour la première fois en tant qu’artiste ; pour cette ambition de créer, il a du quitter cette caverne qui a protégé jusque là ses désirs et conforté ses certitudes.
La mise en lumière est le vrai combat qu’il livre aujourd’hui, renonçant aux certitudes qu’il a forgé pour pouvoir enfin avec sa singularité arpenter le territoire âpre de l’Art, sans ignorer pour autant ce qui fait celle de l’Autre, que ce soit un public, des artistes, ou l’histoire en train de s’écrire.
Mehdi Melhaoui expérimente le langage plus que des formes liées à une tradition connue, la sculpture est un médium qu’il apprivoise pour pouvoir délier une histoire secrète faite sur les deux rives d’une même humanité.
Perdre est le premier geste après l’innocence, voilà le voyage auquel nous convie Mehdi, traverser la mer qui nous réunit, emprunter des routes connues, parcourues depuis des millénaires et restées pourtant dangereuses.
Bateaux si fragiles exposés aux tempêtes de la création, formes maintes fois visitées, il en comprend l’histoire particulière qu’il peut désormais les offrir mains ouvertes. Tombent les masques, ceux puissants de l’Afrique qui ouvrent au voyageur les portes d’un enfer maritime, bien après les colonnes d’Hercule.
S’échappe la Méditerranée de ces cheminées embarquées, volutes mêlées des volcans de Santorin, du Vésuve, de Stromboli et de ceux sous-marins que nous ne pouvons nommer ?
Git un corps froid, coeur de pierre, au fond de la noirceur des abîmes, traite des esclaves, passé sombre de l’humanité ? Hommage aux disparus dans une mise en suspension de la pesanteur ?
La beauté de l’interrogation fait les voyages de Mehdi, ses défis sont aussi inscrits dans la matérialité des objets, leur séduction vient de la fougue qu’il met à contrecarrer la destinée obtuse de résistance des matériaux mais aussi de l’histoire dans son incessante marée de renouvellement.
Sur une chaine, des modèles de navires de commerce traversent en rêve l’espace aérien d’une exposition. Déposées au Site archéologique Lattara – musée Henri Prades, ces sculptures nous parlent de nos voyages intérieurs et même si chacun à une expérience différente de la forme, tous nous éprouvons l’inquiétude de notre présence dans ce face à face ou l’éternité commence.

Isabelle Grasset

Propos d’Isabelle Grasset
Directrice adjointe du site archéologique Lattara – musée Henri Prades
Commissaire de l’exposition
Le Site archéologique lattara – musée Henri Prades, lieu de mémoire de l’antique port de Lattes, accueille les oeuvres de Mehdi Melhaoui, diplômé de l’Ecole supérieure des Beaux Arts de Montpellier Agglomération, sous le signe d’une problématique très actuelle mais aussi historique, celle des flux migratoires en Méditerranée, notamment entre l’Afrique et l’Europe.
Avec cette exposition monographique, Mehdi Melhaoui propose d’aborder, avec une surprenante faculté d’évocation poétique, les questions essentielles liées aux migrations, celles là même qui poussent certaines personnes à quitter leur pays natal, à tenter l’exil, le nomadisme, l’expatriation, la fuite…
Du jardin aux salles d’exposition du musée, ce jeune artiste présente une installation inédite de ses oeuvres, qui révèle à la fois la pesanteur et le mouvement d’un possible déplacement.
A nous de tenter l’expérience d’un voyage, d’une navigation, dans l’espace et le temps, entre terre et mer, une nouvelle traversée de l’espace muséal, dédié d’ordinaire tant à la nécropole antique qu’à la zone portuaire ou encore à la vie quotidienne de Lattara.
L’ensemble du mobilier archéologique en céramique, en verre, en pierre, en bronze ou en fer, marqué par l’usure et la patine, renvoie sans cesse à l’écoulement du temps avec une charge émotionnelle largement réitérée par Mehdi Melhaoui. Les matériaux et les formes diverses qu’il exploite, issues d’embarcations usagées et précaires, trop souvent vouées au naufrage, (vieux cargos, zodiac élimé, canoé de fortune…) ou l’évocation des corps épuisés et flottants de trop nombreux noyés, constituent autant d’expressions différentes qui au-delà d’une vérité tragique, semblent revenir toujours à la même préoccupation, entre utopie et réalité, non sans une note de gravité : « Partir et laisser les autres, choisir de rester sur la rive, regarder l’horizon, imaginer l’autre côté, une seule terre pour un partage des cultures, un retour aux origines, signant peut être la possibilité d’une nouvelle humanité ».

Zur Welt gekommen hat Casablanca in Moroco eine dreifache Staatsangehörigkeit deutscher und marokkanischer Franco

Zur Welt gekommen hat Casablanca in Moroco eine dreifache Staatsangehörigkeit deutscher und marokkanischer Franco, das Fensterkreuz von drei Kulturen, , diesen kulturellen Reichtum zu vertiefen, den Bericht zu befragen, hat Raum, Identität, das
Gedächtnis zwischen Territorien zwischen afrique und Europa. Die Vielzahl der Punkte erforschen
Der Gang, in einem groß Fähre zu reisen, machen aus meinem künstlerischen Demarche gegangen. Umstellung in Zwischenräumen stillen Wüste und, Irrfahrt.
Wie, in Raum dieser Dimension legen, boot benutzend, baue in Leiter reduziert? Meine
Arbeit stellt den Stoff in Zeit einander gegenüber, ihn über eine Geschichte, eine Dauer, einen Prozess erzählen lassen, ab denen das Imaginäre kann auffliegen. Zeit ist auch diejenige der Betrachtung, des Details, der Entdeckung und des wieder Entdeckten
Zeit angesichts der Vergessenheit. Ein Wrack zu bauen, das ist Zeit herzustellen. Einen
Gegenstand aufwerten, der seiner Identität und ihrer Funktionalität verloren hat, es die
Oberfläche wieder einzuschalten, das ist, es aufzuerwecken.
An die Schifffahrt diejenige erinnern, was die Horizonte öffnet
Meine Installationen des Schiffes, die in die Tennen schwimmen, sind Interpretation
naive von Abwesenheit des Horizontes, sie, sind, eines inexistant en Raums schemenhaft, freiwillig das von den Booten markierte Niveau rage hinaus der Blick
Horizont Anwesenheit eine Art, befindet sich der Zuschauer unter dem Meeresspiegel im Atemstillstand
Anker, die Boote in den Tiefseegraben einbindenden Pipelines sind surrealistische
Bilder, er, kommen die Tiefe, ein abstrakter Begriff markieren, führt ein zwei ein, der zu mir gehört. Er kommen den Gegenstand in Räumen Unbekannter, tief verankern.
:
Diese Verankerungspunkte sind ein feste Basen, die ein Gleichgewicht, eine
Unbeständigkeit woanders, Meer, Überfahrt zurückhalten.
Wie vom Abdriften kann der Zuschauer den Begriff woanders wahrnehmen? Den
Horizont, woanders befragen. Das Küstengebiet ist dieser Zwischenraum zwischen der
Fülle und dem Vakuum. Wie, in Raum diese Linie, dieser zwischen zwei Zeichnenden das durch die menschliche Beschäftigung verformte Küstengebiet zu legen?

ENTRETIEN

Manuel Fadat :Suspension, cristallisation, fixation, métallique comme le réel, rouillé comme le passage du temps et la soumission aux éléments. Voilà ce que j’ai envie de dire en premier lieu quand je pense à La Vague S11. Tout de suite s’impose la question de la lévitation, du suspens, dans une sorte de vide non gravitationnel, maîtrisé par l’artiste. Si l’artiste maîtrise l’idée, le mouvement, il ne maîtrise la vie, pendue à si peu. Cela paraîtra peut être obscur ? Alors revenons dans le champ du lisible et du visible. Qu’il s’agisse des sculptures de bateaux, ou de La Vague S11, exposée dans le cadre de Aux bords des paysages, on parle de sculptures en métal, figées dans un instant donné (une éternité pour les bateaux, le millième de seconde de la vague, gonflée de puissance juste avant qu’elle ne retombe), on parle de la mer et du mouvement, qui peut être celui de la marée ou de l’exil. Et pour paraphraser Laurent Gaudé, il n’est pas de mer que l’homme ne puisse traverser, ou ne veuille traverser… Impossible de regarder une vague sans penser aujourd’hui à celles qui se dressent tragiquement devant les embarcations qui leur tiennent tête, avec pour fond le Mont Fuji (Hokusaï), ou la noirceur poisseuse de la nuit méditerranéenne (actualité). La vague, pourrait on dire, est en équilibre entre deux périodes comme elle est en équilibre entre l’histoire de l’art (Courbet, Michaux, Serra, Venet…), des symboles, l’imaginaire (Ulysse…) et l’actualité (ceux qui l’affrontent). Alors Mehdi, bien sûr, on ne peut pas réduire votre travail et vous enfermer vous et votre « nom » dans une logique, et il est évident qu’il y en a de multiples qui le traversent. Accepteriez-vous, donc, de revenir rapidement sur votre démarche, pour contextualiser, qui nous permettrons de comprendre les dimensions dans lesquelles vous ne voulez pas qu’on vous enferme ?

Mehdi Melhaoui :

Je crois qu’il y a l’idée ou plutôt la volonté de donner une âme à la matière. Je la trouve dans cet équilibre instable, et dans le moment où l’on oublie toutes ses tensions : son poids, le labeur du travail fourni… On obtient ce flottement non naturel, et on ressent une « magie » ou peut-être quelque chose qui s’approche du « sublime ». Justement, tout comme avec les « bateaux », qui flottent dans l’air car ils sont en appui sur une chaîne rigide, la contrainte n’a pas été de les faire tenir à la verticale, en porte a faux, mais que l’on puisse oublier la pesanteur, défiant ainsi ses lois, grâce à une parfaite horizontalité. Le bateau flotte sans contrainte physique dans un autre espace, un ailleurs imaginaire. La contrainte pour la réalisation de la vague a été de trouver le point d’équilibre avant sa chute. Le mouvement figé dans l’instant. Elle est ancrée dans le réel et nous questionne.

Pour revenir à cette idée de ne pas être enfermé dans une logique, comme vous dites, je dirais qu’en effet, il y a de multiples logiques qui me traversent, qu’elles sont aussi liées à mon histoire, même si, autant que faire se peut, je n’aime pas être enfermé dans une catégorie. Mais je pense que dans cette œuvre, et ce qui est valable pour toute une partie de mon travail d’ailleurs, on retrouve, oui, des grandes pensées et références que vous évoquez : entre symboles et imaginaire, histoire de l’art et actualité… ces multiples sont des possibles, qui je pense, ouvrent la pièce sur d’autres territoires et la questionnent : Courbet, Hokusaï, Serra, la réalité dramatique des patteristes ou encore la dérive de l’art contemporain. Je ne peux y échapper. Le risque par contre, serait de l’enfermer dans la catégorie « vague objet », alors qu’elle est actrice, agissante, devient le sujet même du paysage et prend position.

Si l’on revient à ma démarche afin de replacer la vague dans son contexte, je pense être dans l’idée de « métaphoriser » une position, d’élaborer des images de résistance en rapport avec une problématique actuelle mais aussi historique : celle du flux migratoire, du déplacement et du mouvement humain à grande échelle. Ce qui pousse certaines personnes à partir de leur pays natal à pratiquer : l’exil, le nomadisme, l’expatriation, la fuite sous-tendent les formes de ce langage plastique et poétique. Frontières et territoires sont ainsi remis en question. C’est une prise de position esthétique/éthique qui est aussi une expression du tragique de l’existence comme compréhension, préhension du monde, miroir du monde.

D’autres questions sont sous-jacentes bien entendu, comme celle du territoire, celle de la « déterritorialisation ». Le concept d’utopie aussi : qu’en est-il utopie aujourd’hui ? Il y a aussi le fait de questionner l’idée de frontières géographiques, administratives et naturelles. Bien sûr la question de l’altérité : quel regard poser sur l’autre ? La place du spectateur, son regard, son échelle moyenne ont autant de considérations. Mes travaux sont généralement pensés à l’échelle humaine. Et puis il y a l’exploration des possibles, le fait d’aller à la limite des codes, d’expérimenter, je dirais, à la limite de l’expérimentation, puis passer à l’œuvre.

MF : La Vague S11 est peut être l’une des sculptures les plus monumentales que vous ayez créée. Plus de sept mètres, environ une tonne. Il était évident qu’il fallait lui donner une place, organiser sa rencontre avec un lieu puissant. D’ailleurs, elle va rejoindre les bords de l’étang de Thau, où elle sera installée de manière pérenne après avoir été confrontée aux escarpements calcaires du Pic St Loup. La question qui s’impose est : d’où vient-elle cette vague ?

MM : La pièce a été réalisée lors d’une résidence artistique avec la structure le Living Room à Montpellier. La pièce sera effectivement  installée de façon pérenne à Marseillan ville, qui se trouve au bord de l’étang de Thau et qui a fait l’acquisition de la pièce. Elle sera disposée sur les bords de l’étang, avec pour paysage la ligne d’horizon que forme la côte à l’opposé de Marseillan, en direction de Sète. L’ayant réalisée dans un chai, un espace fermé, brut, je trouve intéressant qu’elle soit installée de façon durable « aux bords » de ce rivage, pour faire un clin d’œil à Aux bords des paysages, dialoguant avec ce paysage marin, chargé.

Lorsque que vous m’avez proposé de la déplacer vers le Pic Saint Loup pour la montrer, au Domaine de l’Hortus en particulier, j’ai été convaincu qu’il fallait le faire, qu’il fallait expérimenter une autre possibilité, d’autres conditions pour l’observer avant qu’elle ne soit installée pour le long terme. Le paysage a, là  aussi, une immensité, une puissance, tant dans son horizontalité que dans sa verticalité, qui a fort à voir avec la mer, d’ailleurs, autant de lignes de tension que l’on retrouve dans la pièce même. L’œuvre entretiendra un rapport de face à face avec ce paysage à la fois brut et archaïque par ses escarpements, et délicat par ses courbes, avant d’entrer en dialogue avec celui-ci.J’ai cherché, pour réaliser cette pièce, une dimension qui dépasse celle de l’échelle humaine. Il y a eu une volonté, un défi, de construire une œuvre monumentale seul, comme un marin construisant son navire. L’affront de la main créatrice de l’artiste à la matière. Cette œuvre peut répondre à mon sens aux dimensions des paysages et à celles des horizons.La vague vient d’une recherche sur le regard-horizon et questionne notre rapport au monde face à l’infini. Le sujet de la pièce, et son titre d’ailleurs, viennent de cette ligne » horizontale » qui retient les 11 Sections verticales, d’où le titre Vague S11. Une ligne d’horizon truquée puisque courbe, vient basculer le paysage renforçant l’équilibre précaire de la pièce. L’idée fut aussi de jouer sur cette ligne de tension et non de jonction entre le paysage et la vague. L’espace changé, la perception est en déséquilibre. Reste-il encore du paysage ou de l’horizon ?Ce que je trouvais intéressant dans l’idée de la vague c’est qu’elle n’existe pas vraiment, tout comme l’horizon, on la voit mais elle n’est qu’une empreinte physique, une onde dérivant, traversant mers et océans pour finir sa course sur le rivage et finalement disparaitre. Elle est en dérive et sera échouée. Le mouvement arrêté de la sculpture est dans l’instant de sa chute. Il y a dans cette sculpture un rapport physique et mental, entre « percept et affect ».

MF : Dans un des premiers textes préparatifs sur cette sculpture, vous écriviez : « la vague, la prise de position est un acte de paysageur », et tout à l’heure vous avez fait allusion à cela, pouvez-vous nous en dire plus ? C’est une phrase énigmatique, poétique, chacun l’interprète à sa manière, mais pour vous, qu’en est il ?

MM : Que chacun l’interprète à sa manière me plait, j’aime l’idée de donner des clefs à comprendre plutôt que des explications. L’énigme déclenche l’imaginaire. Cette phrase pose irrémédiablement la question de notre rapport au paysage. Une prise de conscience sur notre place à cet instant donné !  La vague est un horizon vis-à-vis duquel on doit faire face, on doit prendre position. Elle impose au spectateur le défi de la frontalité cette présence qui se dresse devant nous, menaçante, remet fondamentalement en cause une définition déterministe du paysage par le seul point de vue. Face à la vague nulle quiétude : elle attend une réponse de notre part.

 

 

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